Tous les mois, faire échange de vidéo. S’emparer des images et de la bande son, entrer en dialogue avec, sans nécessairement modifier le montage de la vidéo mais en ajoutant selon ses préférences (voix off, texte lu, improvisé, écrit sur l’image, ajout de sons, de musique), puis envoyer sa propre vidéo à son correspondant pour qu’il s’en empare à son tour. Le premier vendredi du mois, chacun diffuse le mixage/montage qu’il a réalisé sur la vidéo de l’autre et découvre à son tour son montage mixé sur la chaîne YouTube de son invité.
Voici les échanges du mois de janvier 2023 :
Échange entre Cartographie Messyl et Myriam Oh
Sur les images de Cartographie Messyl, on suit les pas d’une personne qui marche sur les dalles d’un carrelage « jusqu’à ce que l’horizon s’ouvre sous les pieds », une personne dont on ne voit justement que cette partie du corps, de plus en plus près. La voix de Myriam Oh vient questionner ce qui se passe à l’écran, la situation de ce personnage omniscient qui avance entre rêve et réalité. « Le personnage principal se sent perdu. Il accélère le pas, il zoome pour tenter de dénicher la vérité. Avec un grand V. » La musique de Myuu renforce l’atmosphère mystérieuse du film et nous emporte dans les dédales de sa pérégrination. « Marcher pour rétablir l’union sacrée du personnage principal et du narrateur omniscient. »
Anamorphose
Images : Cartographie Messyl – Texte et voix: Myriam Oh
Dans les paysages gris et uniforme de banlieue, près des lignes de chemin de fer, zones résidentielles et centre commerciaux, la voiture est partout, les parkings omniprésents. Grilles et grillages. Les parcs sont rectilignes, des endroits où les animaux ne sont pas les bienvenus. Sur les murs sales, les graffitis accentuent le mouvement de leurs lettres inachevées. Parfois un signe nous alerte, un coeur nous fait signe. Le texte écrit et dit par Cartographie Messyl prend appui sur les images pour très vite s’en éloigner. « Je prends le ciel entier, tente quelque chose. J’essaie d’imaginer le mouvement. »
Zone floutée pour perspective avancée
Images : Myriam Oh – Texte et voix : Cartographie Messyl
Échange entre Alice Diaz et Pierre Ménard
Les images d’Alice Diaz proviennent de lieux très distants les uns des autres, filmés à des moments différents mais leur montage les associe comme seuls les rêves fabriquent les plans séquences dans notre sommeil. Avec la lumière comme ligne directrice. « La lumière nous envahit lentement de sa chaleur trouble. » Des formes étranges surgissent, des ombres apparaissent et disparaissent. « Tout ce qui paraît familier nous devient étrangement insolite. » Le film avance tout en douceur, un plan dialogue avec l’autre comme ces poèmes dont la fin d’un vers est le début du suivant, inventant un lieu inédit, à la fois mouvant et immobile, un endroit où tout devient possible : « C’est en prenant conscience de l’inépuisable variété de ce qui nous paraît opposé, que l’on arrive à comprendre leur vraie nature, leurs liens. Les êtres, les lieux perdent leur exclusivité, sans perdre leur originalité. »
La mémoire et l’oubli
Images : Alice Diaz – Texte et voix : Pierre Ménard
Tournées dans le parc de la Fondation Serralves, un lieu d’art contemporain à Porto au Portugal, ces images tentent de cerner en un plan fixe répété plusieurs fois devant un plan d’eau aux reflets invraisemblables, l’image d’une jeune femme, ma fille Nina qui s’approche du bord, en forme d’hommage au film envoûtant de Bill Viola : Reflecting Pool. Apparition, disparition. Le texte d’Alice apporte une dimension supplémentaire au film, en prolonge la réflexion, à la recherche de ces fantômes que le film traque en secret, dont la bande son renforce le mystère. les formes et les forces de l’esprit : « nos cadavres son enterrés sous les arbres, nous ne les oublions pas, restent les rêves. »
La forme de l’esprit
Images : Pierre Ménard – Texte : Alice Diaz
Échange entre Gracia Bejjani et Juliette Cortese
Sur les images de Gracia Bejjani, l’avion amorce lentement son atterrissage, longeant la terre et la mer. Des lettres virevoltent en l’air en surimpression. La voix de Juliette Cortese les attrape au vol : « Je ne crois pas qu’on puisse continuer à laisser tomber des lettres sur le ciel. Je ne crois pas que l’amour soit une surface plane. Ni une géométrie dans l’espace. » Tout semble si proche à vol d’oiseau. À portée de main. Et puis soudain, tout s’accélère, à l’approche du sol, la vitesse à son comble à l’arrivée, l’avion se pose enfin. « Je ne crois pas qu’on puisse continuer à laisser tomber des lettres sur le ciel. Je ne crois pas que l’amour soit une surface plane. Ni une géométrie dans l’espace. Plutôt une pierre sauvage qui s’attrape avec les orteils. »
Le goéland
Images : Gracia Bejjani – Texte et voix : Juliette Cortese
Les très belles images de Juliette Cortese font le chemin inverse de celles de Gracia Bejjani filmées depuis l’avion en phase d’atterrissage. On marche dans ses pas, remontant lune allée bordée de platanes aux feuilles dorées dans une chaude lumière de fin d’automne. Les pas crissent sous ces feuilles mortes. Le regard se lève soudain vers le ciel bleu. Pas d’avion à l’horizon, mais les branches et les feuilles des arbres qui tremblent dans le vent, se prolongent entremêlées en reflets dans l’eau mêlée de feuilles : « Tu imites tes élans, gestes sans toi, vieillie comme ciel sans temps, peau parcourue de branches, l’air entre. »
Elles ont toujours tremblé
Images : Juliette Cortese – Texte et voix : Gracia Bejjani
Les prochains vases communicants vidéo auront lieu le vendredi 3 février 2023. Si vous êtes tentés par l’aventure, faîtes le savoir sur le mur du groupe pour que les autres correspondances vidéos puissent être relayées sur le site Litteratube.
La playlist #vasescommunicants sur la chaîne YouTube permet d’ajouter ces échanges mensuels pour mieux les retrouver et les visionner.